jeudi 14 août 2008

Sigur Rós - Með suð í eyrum við spilum endalaust

Le groupe Islandais Sigur Rós a sorti le 23 juin dernier son cinquième album, Með suð í eyrum við spilum endalaust (en français « Avec un bourdonnement dans les oreilles nous jouons inlassablement »), et ce n’est guère prometteur pour la suite. Ils nous avaient habitués à un rock atmosphérique, sur lequel on adorait planer durant des heures, ainsi qu’à un univers froid et féerique où se posait à merveille la voix de Jón Þór Birgisson. Dans ce nouvel album, le groupe a décidé d’être plus audacieux, ou de ne pas se casser la tête, au choix. Car il ne reste quasiment plus rien des vestiges de Von, Ágætis byrjun et (). A notre grand désespoir. Le groupe a choisi de se démarquer de ses créations précédentes en osant un album plus léger, plus rythmé (surtout dans sa première moitié), avec des morceaux plus courts et une partie vocale beaucoup plus présente. Mais le changement de style a ses limites, et quand on a contribué à l’évolution du rock atmosphérique de ces dix dernières années, on ne s’en sort pas si facilement.


L’album s’ouvre pourtant sur deux morceaux très légers et très entraînants, qui mêlent énergie vocale et instrumentale, chœurs à l’appui sur Gobbledigook et trompettes en fanfare sur Inní mér syngur vitleysingur. C’est une introduction déroutante, car Sigur Rós nous avait habitués à plus de sobriété. Ce nouvel album prend l’allure d’une grande fête, et l’envie nous prend soudainement d’aller gambader en tenue d’Eve avec eux sur l’autoroute (comme sur la pochette). C’est à partir du troisième morceau que le groupe commence à perdre pied : sur Góðan daginn, Sigur Rós s’égare et tente de nous offrir une espèce de ballade rock finalement assez banale et très éloignée de l’univers que le groupe s’était constitué au fil des albums. La chute continue sur Við spilum endalaust, qui pourrait faire écho aux morceaux d’ouverture si les arrangements pompiers ne sonnaient pas comme du Coldplay voire du Keane. Il ne reste plus grand-chose de l’intensité d’autrefois et même les morceaux les plus longs, censés nous ramener aux sources du groupe, ne parviennent pas à égaler la profondeur et la dimension mythique qu’ils avaient su inventer. Festival, le cinquième morceau, tente de retrouver ces émotions perdues, sans en atteindre la hauteur. C’est surtout de la lassitude qui se dégage au fil des chansons, et sans motivation il est bien difficile d’en voir le bout, car même les morceaux les plus prometteurs sont empreints des vilains tics vocaux de Jon Þór Birgisson. Ára bátur et All Alright nous paraissent bien longs et ne parviennent pas à décoller. Finalement, c’est seulement au bout de dix chansons (dix ! Sur onze !) que s’élève Straumnes, le morceau le plus court de l’album, le seul qui se rapproche le plus des créations d’autrefois (et qui est instrumental, on respire). En l’espace de deux minutes, le groupe retrouve son univers aérien et vaporeux.
Reste à savoir maintenant s’il faut blâmer le groupe d’avoir tenté un changement, voire une évolution sur ce nouvel album. On est souvent déçus par les groupes qui répètent toujours le même schéma et manquent d’audace. Nous savons que Sigur Rós n’en fait pas parti. Mais il manque quelque chose à Með suð í eyrum við spilum endalaus. Car la première écoute d’un album de Sigur Rós, c’est toujours quelque chose de spécial, comme la sensation de s’envoler au dessus des grandes étendues froides d’Islande. L’envol n’y est pas. On était en droit d’attendre mieux d’un groupe comme celui-là. Déception.

mercredi 13 août 2008

Joanna Newsom - The Milk-Eyed Mender

Les meilleures découvertes musicales sont celles que l’on trouve par hasard, au détour d’un site internet, en allant de lien en lien et de vidéo en vidéo. Une fois que le trésor est déterré, il est difficile de s’en détacher. Ainsi, c’est complètement par hasard que mon chemin a croisé celui de Joanna Newsom, une espèce d’icône farfelue à la sauce Björk. Une chose est sûre : on aime ou on n’aime pas. Joanna Newsom fait parti des chanteuses dont la voix est si particulière qu’elle peut être aussi bien repoussante que fascinante. Ou du moins déplaisante à la première écoute, puis on se laisse entraîner, on s’y habitue même, et on finit par être hypnotisé. Difficile de trouver une autre façon de décrire le premier album de la chanteuse, The Milk-Eyed Mender (paru en 2004, elle en a sorti un autre depuis) qui navigue entre agressivité et délicatesse. On pensera évidemment tout de suite à Kate Bush : même voix perçante, même textes alambiqués. (“With my steely will compounded, in a mighty mound that's hounded, by the SNAP my steel string sounded, just before your snores unwound it.” Cassiopeia.)

Joanna Newsom emploie de façons diverses et variées son instrument de prédilection, la harpe, sur des morceaux tantôt entraînants, comme Plum, Peach, Pear qui ouvre l’album, tantôt calmes, tels que Bridges and Balloons ou Swansea. Il faut avouer que cela permet un certain équilibre entre sa voix, franchement criarde, et le raffinement de la harpe qui introduit une atmosphère plus lyrique bien qu'insolite. L’imaginaire se construit petit à petit, et l’album comporte son lot de petits bijoux si l’on accepte de s’y arrêter un moment. Car au-delà du diablement efficace Plum, Peach, Pear (qui en aura sûrement exaspéré plus d’un), la voix de Joanna Newsom évoque autre chose qu’une gosse de dix ans surexcitée s’essayant aux vocalises pour la première fois. Sur les morceaux les plus calmes tels que Clam, Crab, Cockle, Cowrie ou encore The Side of the Blue, la voix se fait presque timide et libère un certain charme, une espèce de maladresse attachante qui s’accorde étrangement avec l’élégance de la harpe. Pas besoin d'en dire plus, il est de toute façon impossible de se faire une idée sans écouter la voix de la créature. Evidemment, cette musique ne sera pas appréciée de tous, il sera très facile de détester la voix et d’être peu convaincu par l’accompagnement. Il ne sera pas surprenant d’éprouver une certaine répulsion face à une œuvre aussi singulière, tellement insupportable et cependant captivante. The Milk-Eyed Mender n’est pas un album parfait, certains morceaux sont loin d’égaler la beauté féerique de Cassopeia ou la tendre simplicité de Bridges and Balloons (fausses notes ou pas). Mais il y a dans l’univers de Joanna Newsom quelque chose d’envoûtant, il y a dans ce premier album quelque chose de maladroit, d’un peu brouillon (qui est corrigé dans son second album, Ys, au profit de sonorités un peu jazzy et de violons incessants, et d’une voix beaucoup moins agressive). On peut ne pas y adhérer. Mais il sera difficile de rester de marbre devant ce chant pleinement assumé (beaucoup de gens ne savent pas chanter mais ne l’assument pas, comme Scarlett Johansson par exemple, alors ils font des remixs avec beaucoup d’effets). Joanna Newsom ne sait pas chanter, et elle enfonce le clou en s’accompagnant juste d’une harpe ou d’un piano (en live, c’est presque déroutant). Alors, si vraiment cela apparaît hors de portée, presque inimaginable de faire des trucs comme ça, bref à défaut de s’émerveiller devant la qualité artistique de l’ensemble, on pourra toujours s’extasier devant la beauté des textes :

"I do as I please.
Now I'm on my knees.
Your skin is something that I stir into my tea.
And I am watching you and you are starry, starry, starry
and I'm tumbling down, and I check a frown.
Well, just look around. It's why I love this town:
just see me serenaded hourly! celebrated sourly!
dedicated dourly; waltzing with the open sea -
clam, crab, cockle, cowrie : will you just look at me?"
(Clam, Crab, cockle, Cowrie)

Pour ceux qui seraient prêts à mettre leurs oreilles à l'épreuve:


Découvrez Joanna Newsom!



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