

Et ce qui importe dans tous ces moments, c’est que Ian Curtis nous parle. Bien sûr qu’il est évident que le jeune homme était tourmenté, qu’il était déchiré entre raison et désir, il suffit de lire ses textes pour s’en rendre compte. Mais au-delà de l’aspect strictement psychologique et biographique, qui est brillamment mis en scène dans le film, c’est bien plus loin qu’il faut aller en chercher l’intérêt : Control est un pavé dans l’histoire de la musique parce qu’il reprend en chœur tous les classiques du rock des années 60 et 70 et par ce biais, redessine l’ambiance musicale de ces années là. Les années qui nous sont montrées au début du film, celles de l’adolescence de Curtis – avant sa rencontre avec Deborah -, sont tout aussi importantes dans le sens où elles mettent en scène la façon dont la musique était considérée à cette époque, en particulier chez les jeunes. Le fait de voir Ian Curtis allongé sur son lit et écouter David Bowie ou encore Iggy Pop tout en fumant une cigarette parait assez anodin, mais c’est tout un aspect culturel qui refait surface. Musique comme échappatoire, comme rébellion, comme moyen de se distinguer de ses parents également, le fait de jouir de la musique pour ce qu’elle est et ce qu’elle nous apporte au sein de notre parcours personnel (qu’il y a-t-il de plus significatif que de voir les écrits de Curtis dispersés sur son bureau, près de son tourne-disque ?), tout cela est significatif d’une époque et possède une valeur. Cela nous permet de comprendre quelle différence Joy Division a fait dans l’histoire de la musique. Pourquoi est-ce que de nos jours, cette façon de jouir de la musique est en train de disparaître pour laisser place à une musique toute prête, consommée dans l’instant, en attendant qu’une autre se hisse en tête des ventes le jour suivant, et ainsi de suite ? Pourquoi est-ce que des jeunes ont marqué une époque en s’affranchissant de leurs influences, et créant leur style propre pour ensuite partir à la conquête du public ? De nos jours, on ne retient de la musique que son aspect glorifiable : on veut créer des stars, les propulser face au public. C’est une véritable claque musicale que nous donne Control, nous mettant ainsi devant le fait accompli : il y a un jeune homme qui, un jour, a osé écrire : « Existence well what does it matter ? I exist on the best terms I can, the past is now part of my future, the present is well out of hand. » (Heart and Soul)Et Corbijn de nous rappeler, sur une reprise de Shadowplay par The Killers en tant que générique de fin, que la jeunesse est éternelle quand il s’agit de musique.
