mardi 15 janvier 2008

Le Projet Andersen - Robert Lepage

Deux ans après la Trilogie des Dragons, Robert Lepage investit une nouvelle fois le Théâtre de Chaillot à Paris pour y présenter sa dernière création, Le Projet Andersen. Dans un monologue joué par le brillant Yves Jacques, le metteur en scène combine à la fois virtuosité du texte et maîtrise des effets techniques.


Une succession de personnages, comme un sentiment de schizophrénie. Trois personnages différents qui défilent sur scène et pourtant toujours le même acteur, Yves Jacques. D’abord, Frédéric Lapointe, un metteur en scène Québécois fraîchement débarqué à l’Opéra de Paris pour fabriquer le livret d’une œuvre lyrique adaptée de la Dryade, un conte de l'écrivain danois Hans Christian Andersen. Puis, Monsieur de la Gambretière, le directeur artistique de l’Opéra, caricature vivante, élément déclencheur des premiers fous rires de la salle. Et enfin, Rachid, un jeune Magrébin toujours revêtu de sa capuche, qui grave le symbole Anarchiste sur les arbres. Le tout entrecoupé par des scènes narratives et poétiques, où le conte de la Dryade est raconté de façon traditionnelle.

C’est une pièce rythmée qui se déroule sous nos yeux : alors que les personnages défilent sur la scène, les décors en font autant. Cabines de sex-shop, un café près de l’Opéra, le Bois de Boulogne, ou encore une vue sur le paysage Parisien. On assiste à un véritable déploiement d’effets techniques qui glissent automatiquement les uns après les autres sur la scène devant les yeux ébahis du spectateur. Par cette maîtrise technique, Robert Lepage affirme sa volonté de s’inscrire dans un théâtre moderne et complexe, qui exploite toutes les possibilité que la scène lui offre. Mais pas sans risque : on a parfois l’impression d’assister à une démonstration d’effets techniques, sauvée de justesse par l’extrême sensibilité dégagée par l’œuvre ainsi que le caractère poétique qui émane du conte pour enfants. Car si la succession de tableaux peut gêner un moment le spectateur, ce dernier ne peut que s’en réjouir durant les scènes narratives tant l’esthétique est réussie.

Cependant, Robert Lepage se plait à entretenir différents contrastes en alternant scènes poétiques et scènes dites « modernes » comme c’est le cas du générique d’ouverture où sur fond de musique rap, le personnage de Rachid tague virtuellement le portrait d’Andersen sur l’écran, ou encore la scène où ce dernier s’arrête à la station de métro Invalides, pour y taguer un slogan déjà culte : « Invalides mais pas sans valeur. » Une poésie marginale mais qui a son petit effet sur le spectateur, qui retiendra sans aucun doute cette formule pour en faire la maxime de toute une époque.

A cela s’ajoute l’excellente performance d’Yves Jacques, dont l’aisance se révèle au fur et à mesure que la pièce avance. Le spectateur est tout particulièrement interpellé par son accent québécois, qu’il perd en jouant le rôle de Monsieur de la Gambretière, à tel point que deux acteurs différents semblent défiler sur scène. Une maîtrise parfaite de la langue, complétée par une gestuelle tantôt maladroite, tantôt sensuelle, qui ne cesse de nous surprendre, de nous étonner, de nous transporter.

« Le voyage spatio-temporel » du Projet Andersen nous emmène très loin dans la fiction et la réalité. En mêlant plusieurs époques, plusieurs narrations et plusieurs personnages, tout en gardant une ligne directive bien définie grâce à la présence d’un seul acteur et de l’univers d’Andersen, Robert Lepage nous fait prendre conscience de la puissance du récit.

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