mardi 15 juillet 2008

Forêts - Wajdi Mouawad

Le théâtre 71 de Malakoff a choisi de reprendre du 28 mai au 8 juin 2008 une des dernières créations de Wajdi Mouawad, Forêts. Jouée pour la première fois en 2006, cette pièce est le troisième volet d’un quatuor sur le thème de l’héritage (après Littoral et Incendies). Quatre heures, c’est le temps qu’il faut à Mouawad pour nous retourner le cœur et la tête. La famille, les racines, le passé : c’est à travers une incroyable épopée historique qui part de la fin du XIXème siècle jusqu’à nos jours que Loup, une jeune adolescente de 16 ans, tente de remettre en ordre le puzzle de son histoire avec l’aide d’un professeur de paléontologie. Et les deux personnages, avouons-le, sont aussi perdus que nous devant l’immensité et la complexité historique de la chose. Sept générations de femmes défilent sous nos yeux, lentement l’intrigue se complique, les histoires s’entremêlent, et la pièce devient un véritable casse-tête pour le spectateur, qui découvre au sein de la forêt un labyrinthe de racines.
Et tout à coup, c’est l’accélération, le choc : Forêts prend les allures d’une tragédie grecque et nous balance à la figure une explosion de drames, d’inceste et de sexe, le tout dans un bain de sang phénoménal. Un passé qui se déchire et se tord de douleur.

Une seule question demeure et constitue le fil conducteur de la pièce : faut-il abattre le passé pour se construire et vivre le présent ? Cette interrogation hante la jeune Loup, incarnée par Marie-Ève Perron, dont la force de jeu nous fait passer du rire aux larmes, de la tendresse au déchirement. Quasiment toujours présente sur scène, elle constitue le point central de cette histoire alambiquée, la descendance vers laquelle convergent toutes les générations. Elle finit par résoudre les clés de son histoire et accepte d’en porter le fardeau. C’est du moins ce qu’elle clame à la fin dans un monologue épique, face aux pétales de roses qui s’écoulent sur les cadavres de son histoire.



samedi 12 juillet 2008

Les Ephémères - Ariane Mnouchkine

Une petite pensée émue pour Le Théâtre du Soleil qui a terminé ses dernières représentations des Ephémères à la Cartoucherie de Vincennes fin avril, avant d'achever sa tournée à Saint Etienne début juin. Je m’excuse de ne pas avoir écrit plus tôt, j’ai retourné cet article dans tous les sens, dans l’espoir d’écrire quelque chose de satisfaisant à propos des Ephémères. J’ai cherché les mots, j’ai essayé de décrire, de me fier à mes impressions mais je ne tarissais pas d’éloges, tout cela manquait d’objectivité, d’analyse, tout cela concentrait trop de « Je ». Avec le recul, c’est sans aucun doute parce qu’Ariane Mnouchkine y fait appel, à ce « je ». Sur ses plateaux tournants où défilent les scènes du quotidien, Ariane Mnouchkine nous parle de lui, elle parle de toi, de moi, de vous, de ceux-ci, de ceux-là, de ceux qui sont dans la salle et de ceux qui n’y sont pas.
Un spectacle qui est « fait des instants qui nous ont faits », tout cela en 6h45, ni plus, ni moins.

L’auteur Irlandais James Joyce se demandait si on arriverait à jour à mettre de la vie, de la « vraie vie » sur scène. A ne plus se contenter de l’imiter, de chercher le réel, mais d’atteindre quelque chose de vrai et d’authentique. Les Ephémères se rapproche de ce théâtre-là. « Construire de l’humain », c’est ce qu’Ariane Mnouchkine déclare vouloir accomplir.


« Le monde explose autour de nous… et nous, nous tentons de faire un spectacle sur… sur quoi au fait ? Si je te disais que les comédiens et moi-même nous sommes retrouvés travaillant sur… presque rien. Ce presque rien que nous appelons malheur, bonheur, souvent regrets, parfois heureusement révélations. Nos petites apocalypses. Nos sillages à peine tracés que déjà disparus. Nos traces, aussi invisibles que celle d’un serpent sur le sable. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu envie de t’écrire cette lettre. J’ai eu soixante-sept ans cette année. Je suis la plus âgée. La benjamine a vingt ans. Entre elle et moi, il y a maintenant tous les âges. (…)
Le monde explose autour de nous… les glaciers fondent, les océans montent, les îles de nos rêves bientôt seront englouties, et nous sommes toujours des « analphabètes du sentiment »…
Extraits d’une lettre à un ami – 18 octobre 2006




« Life we must accept it as we see it … , men and women as we meet them in the real world …The great human comedy… gives limitless scope to the true artist.” James Joyce, Drama and Life

 
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